Le rocher

auteur : Driller_Killer

dernière modification le 2020-11-27 11:22:44


Du vent. Beaucoup de vent. Aussi froid que l’air des montagnes de l’Himalaya, aussi cinglant que les mains du monstre. Lana est là, dans les plaines verdoyantes, devant le rocher où elle avait la triste habitude de se réfugier quand le monstre rugissait, parfois même la nuit, sous les lunes pleines ou décroissantes, sous les étoiles ou sous la pluie. Elle regarde les coquelicots dansant au rythme de la vie, écoute les sauterelles striduler gaiement. Les nuages flottent paresseusement dans le ciel bleu, lâchant sur les herbes folles des ombres noires, les enfants de la bête. Lana les observe, respire lentement et fait demi-tour. C’était la dernière fois qu’elle venait là. La dernière fois qu’elle pleurait là. Ses larmes avaient suffisamment nourri et abreuvé le monstre.

Sa jupe ondule au rythme du vent et ses jambes tremblent. Le froid. La peur. La joie. Le soulagement. Plus jamais, elle ne verra les ténèbres. Plus jamais elle ne sentira l’odeur putride du monstre, sa peau cuirassée et tannée par le soleil. Plus jamais elle n’entendra ses grognements rauques. Son monstre…

Lana se met à courir. Elle court, elle pleure, elle rit, elle hurle. Et s’effondre. Le noir revient, mais il est innofensif, elle le sent. Il est juste rédempteur, thérapeutique, comme le serait un médicament, de l’affection ou de l’alcool. Son hurlement cesse et laisse sur le sillage de son écho des envolées assourdissantes d’oiseaux apeurés.

Des larmes. Elles s’agrippent aux joues de Lana, refusant obstinément de se laisser tomber sur la terre sèche. Qu’à cela ne tienne, se dit Lana, qu’elles restent là si ça leur chante. La jeune femme en jupe ne cherche pas à les sécher, elle les aime. Les gouttes salées et cristallines sont les uniques témoins de sa grâce, de sa libération.

Lana s’assoit, laissant la terre et les herbes lui chatouiller les mollets et les cuisses laissées libres, puis, doucement, se met à basculer d’avant en arrière, jusqu’à se laisser tomber, la tête près d’un petit champignon blanc. Ce qui la laisse perplexe. Que faisait-il là, sans arbre autour ? Elle rit. Le vent a cessé. Les nuages ont disparu. Seul le soleil et la chaleur de ses rayons persistent dans cette plaine. Lana se relève et regarde au loin la petite tâche que fait le rocher. Son rocher. Son protecteur. Son passé. Elle fait un signe dans sa direction. Au revoir, chuchote-t-elle doucement. Puis elle part, en marchant doucement. Plus jamais le monstre ne lui ferait du mal. Les ténèbres l’avaient emporté et le soleil avait pris la relève. La lumière. La vie.


mots-clés : RÉDEMPTION, LIBÉRATION