Souffle de vie

auteur : Dreamcatcher

dernière modification le 2023-10-11 12:07:24


Accoudée au bastingage, Nell prit une profonde inspiration. Enfin un peu de calme. La fête battait son plein à bord du Pacifico. La soirée était un vrai succès, les organisateurs pouvaient être contents. Nell n’avait pas le cœur à ça. Pas ce soir. Elle porta à ses lèvres la coupe de champagne qu’elle avait amenée avec elle puis la jeta par-dessus bord. Elle ramena en arrière ses cheveux en bataille mêlés par le vent. « Ras-le-bol de tout ce cirque… »
— Tu ne devrais pas rester là tu vas prendre froid.
La voix grave et la main sur sa taille la firent sursauter. Elle ne se retourna pourtant pas.
— Fiche-moi la paix Franck.
— Je m’inquiète juste pour toi, ne sois pas si dure…
Nell se retourna brusquement, l’agacement cédant la place à une vive colère.
— Tu te fiches de moi ? Tu crois qu’il n’est pas un peu tard pour t’inquiéter de mon bien-être ?
Franck recula d’un pas, leva les mains, baissa la tête d’un air désolé. Il faillit ajouter quelque-chose mais s’abstint. Cela valait mieux. Nell était si excédée qu’elle aurait pu le gifler. Elle ne savait pas ce qui la retenait. Il fit quelques pas en arrière, puis s’éloigna finalement pour rejoindre la fête. Il lança quand même avant de disparaître tout à fait :
— OK, si tu me cherches tu sais où me trouver.
— C’est ça. J’en connais une qui doit sûrement te chercher, elle, en ce moment.
Enfin seule. Nell attrapa au passage une nouvelle coupe de champagne sur le plateau d’un serveur de passage. Elle poussa un profond soupir et inspira l’air du soir. Son regard se porta à l’horizon. La lune, pleine, si ronde, si brillante, réfléchissait sa lumière scintillante sur les vagues indigo. Elle commençait à se sentir plus légère. Soudain sans prévenir, elle se mit à pouffer. L’absurdité de la situation la rendait hilare. Elle se trouvait là, à cette fête mondaine à laquelle elle se faisait violence d’assister sur insistance de son patron en compagnie de son collègue et à présent officiellement ex-compagnon depuis quelques minutes. Celui-là même qui l’avait trompée avec une autre, présente comme par hasard elle aussi. Quand elle l’avait vue, son sang n’avait fait qu’un tour.
Elle se sentait furieusement gaie tout à coup. Et libre. Tellement libre, tellement légère qu’elle aurait pu voler. Elle longea le pont en direction de la proue. Elle se sentait comme Jack Dawson dans Titanic. Cela lui donna une idée. Elle s’agrippa au garde-fou et se hissa. Elle commença à grimper les barreaux qui se présentaient tels une échelle. Elle aurait pu en rester là et admirer la vue si son œil n’avait été attiré par les cordages d’une voile décorative. Elle avait envie de monter plus haut, toujours plus haut. Elle attrapa la corde et se hissa. La sensation était délicieuse. Jusqu’à ce que le vent ne se lève et lui envoie ses cheveux au visage. Aveuglée l’espace d’un instant, elle se servit de sa main gauche pour se dégager la vue. Et là tout bascula. Dans la panique, elle perdit pied et se retrouva suspendue au-dessus du vide. Cela ne se passa pas comme dans les films car en vérité, quelques secondes suffirent à lui faire lâcher prise.
C’est à peine si elle eut le temps de réaliser sa chute. Déjà, son corps entrait en contact avec la surface de l’eau. L’impact lui coupa le souffle, bouillonna dans ses oreilles de sa gifle monumentale. Les volants de sa robe de soirée et ses cheveux emmêlés lui brouillaient la vue. La surprise céda alors la place à la panique. Elle croyait dans ce qui lui restait de lucidité pouvoir toucher le fond avant de remonter à la surface mais la descente était interminable et les profondeurs hors d’atteinte. Enfin un moment de flottement. Elle battit frénétiquement des pieds et des mains dans une tentative désespérée de reprendre le contrôle mais déjà l’air se faisait rare dans ses poumons. Un flot de bulles s’échappa de sa bouche. Son corps était secoué de spasmes, ses yeux révulsés par la terreur. À bout de forces, elle se sentit soudain perdre conscience. Graduellement, le cerveau privé d’oxygène, elle commençait à renoncer et se laisser sombrer pour de bon.
Alors c’est comme ça que finit ma vie… Mais non ce n’est pas possible… C’est trop bête… Qu’est-ce que j’ai fait ?...
De plus en plus faible, elle se résignait cependant à son sort. Des flashs des moments importants de sa vie, ou du moins ce qui lui avait semblé compter, se succédaient dans sa mémoire à une vitesse déconcertante. Les fous rires de son enfance, le parfum des bonbons à la cerise, le goûter dans la cour de l’école, la corde à sauter, les interros surprise, les parents qui se disputent, son père qui lui apprend à faire du vélo, la balançoire, les matchs de volley, les gâteaux du dimanche, son premier baiser à la boum de Stéphanie, les cigarettes dans la cour du lycée, Nicolas, la mononucléose, sa première fois, le permis, le divorce des parents, les exams, les études, encore et toujours, être la meilleure, recommencer à fumer, Franck, arrêter de fumer, faire du sport, arrêter, se remettre à fumer, travailler, travailler, attendre les vacances, revenir, pleurer… La musique. Quel était cet air déjà ? Comme une bande sonore qui accompagnait ses rêves. Elle se souvenait tout à coup avoir tout oublié. Mais la mémoire lui revenait à présent, comme une lointaine nostalgie qui lui comprimait la poitrine. Je dansais sur cette musique quand j’étais petite. C’était papa qui jouait de la guitare…
Elle regrettait amèrement tout le temps vainement perdu à se prendre la tête pour des choses qui n’en valaient tellement pas la peine… Pourquoi n’en avait-elle pas pris conscience avant ? Fallait-il donc vraiment être au seuil de la mort pour connaître la valeur d’un instant de vie ? C’était trop tard. La lutte prenait fin ici, dans l’élément primordial. Drôle de destin. Alors seulement, elle s’imprégna de son environnement. Et des couleurs. De nuit, sous la mer, elle aurait pu être plongée dans le noir. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, ses yeux s’étaient habitués à une nouvelle forme de perception.
Dans un silence absolu, des nuances de vert émeraude, violet, pourpre, venaient se mêler au bleu initialement insondable des fonds marins. Des filaments d’algues, branches de corail souples ou toute autre forme de flore ou peut-être de faune impossible à identifier, venaient danser autour d’elle, se mélanger à ses boucles défaites, lui cacher la vue, la taquiner gentiment, jusqu’à l’envelopper. Puis plus rien. Le retour progressif de la nuit immobile dans le monde du silence. Monde de l’oubli…
Écran noir.
Était-ce la fin ou le commencement ?
Une sensation lui revenait.
Une douceur…
Timide d’abord. Comme la caresse d’une plume.
Sur ses lèvres, une légère pression. Une chaleur inattendue qui lui rappela vaguement qu’elle avait un corps engourdi par le froid. Et cette conscience tout à coup… de ne plus être seule. Accueillir l’existence de cet autre. Le réconfort de sa présence. Elle sentait à présent plus précisément la pression de deux bras puissants lui enserrer la taille. Et des battements de cœur. Les siens d’abord, beaucoup trop rapides, vinrent se caler sur le rythme régulier plaqué contre sa poitrine. Les yeux toujours clos, elle sentait une pulsation vitale, une énergie surprenante, couler à nouveau dans ses veines glacées. Les muscles tendus, elle éprouva le besoin de s’étirer, contenue dans le cercle de ces bras protecteurs. Une légère résistance, tout en douceur, l’apaisa et la rassura. C’est alors qu’elle ouvrit les yeux. Un éclat de lumière l’aveugla en une myriade d’étoiles scintillantes.



La lumière filtrait à travers ses paupières, chaude, douce, orangée.
— Nell… Nell…
Une voix connue, venue de très loin. Nell fit un effort pour ouvrir les yeux, aveuglée par la clarté du jour. Du soleil ?
— Franck ?...
Elle avait la bouche pâteuse et du brouillard dans la vision.
— Tu nous as fait une de ces peurs… Tu vas bien ? Qu’est-ce qui t’es arrivé ?
— Mais… Où est-ce que je suis ?
Elle se redressa sur un coude. Elle reconnaissait l’endroit, c’était le front de mer en bordure duquel mouillait le Pacifico, ce yacht de luxe où avait eu lieu la fête. À moitié allongée sur un banc, elle était enveloppée dans une couverture de survie. Elle frissonna. Ses vêtements ainsi que ses cheveux étaient trempés. Devant elle : Franck, monsieur Masson – leur employeur – et deux types en uniformes – probablement des garde-côtes ou quelque-chose du genre – ainsi qu’une poignée de curieux non-identifiés.
— Alors ma petite Nell, dites-nous tout. Que s’est-il passé ? demanda M. Masson d’une voix affable qu’elle ignora ostensiblement.
— C’est toi Franck qui m’a sauvée ?
Celui-ci semblait incrédule.
— Te sauver de quoi ? Qu’est-ce qui s’est passé ? On vient de te trouver là, sur le quai.
— Quoi ? Mais j’étais en train de me noyer, qui est-ce qui m’a ramenée ?
— Te noyer ?! Euh…écoute je ne sais pas de quoi tu parles, comme je te dis on vient de te trouver là… Comment tu as fait pour être trempée à ce point je n’en sais rien...mais on n’a vu personne d’autre dans les parages…, avança-t-il en échangeant des coups d’œil embarrassés avec son patron.
— La pression était peut-être finalement trop forte pour vous ces derniers temps ? tenta Masson de son insupportable intonation condescendante.
Nell reprenait peu à peu ses esprits et bien qu’elle ne comprenne pas grand-chose à la situation, tout ça commençait à l’agacer sérieusement. En plus, elle sentait une migraine s’installer, l’obligeant à plisser les paupières sous l’effet de la lumière trop vive. Maintenant qu’elle émergeait de sa torpeur, la colère de la veille reprenait le dessus.
— Il a quand même bien fallu quelqu’un pour me réanimer, non ?
Franck passa une main sur sa nuque. Les présumées forces de l’ordre ainsi que les curieux qui traînaient encore avaient fini par s’égailler, lassés du spectacle.
— Mais c’est que…tu n’étais pas en détresse respiratoire. En fait, tu dormais. Mis à part tes vêtements mouillés, tu avais juste l’air de quelqu’un qui a disons…un peu trop fait la fête…
Nell sentit le rouge lui monter aux joues. Les larmes n’étaient pas loin. C’en était trop. Elle respira un grand coup et décida qu’elle n’avait pas l’intention de se sentir davantage humiliée. Pas après ce qu’elle venait de vivre. Car c’était tout sauf un rêve, sa tenue en témoignait. Bien sûr elle avait un peu trop bu, elle était obligée de l’admettre, mais tout ça lui avait semblé si réel… Des rêves elle en faisait beaucoup mais rien à voir avec ce qu’elle venait de vivre. Elle en était intimement persuadée. Quelqu’un ou quelque-chose lui avait sauvé la vie. Dans tous les sens du terme. Et elle allait en être digne.
— Tu sais quoi Franck ? s’entendit-elle dire. C’est toi qui me soûles.
Tout à fait réveillée à présent, elle se leva, jeta la couverture au visage de son vis-à-vis et s’ébroua en se frottant vigoureusement les bras, signifiant par là qu’elle prenait congé.
M. Masson se sentit obligé d’intervenir. Redressant le buste, il lui demanda de cesser ses gamineries — de quoi se mêlait-il au juste ? — et lui suggéra quelques jours de repos. Elle était fatiguée, il en prenait conscience à présent. Ils se débrouilleraient sans elle le temps qu’elle reprenne ses esprits.
— Écoutez Victor, vous êtes bien gentil mais euh…comment vous dire ça à peu près poliment…
Elle ferma les yeux, les mains en prière, comme pour se concentrer. Finalement, elle poussa un soupir avant de conclure.
— Non en fait, je ne vois pas de manière de le dire autrement : vous aussi vous me soûlez.
Sur ces paroles elle tourna les talons. Elle entendit tout de même la réponse outrée de son patron.
— Je vois bien que vous n’êtes pas dans votre état normal, peut-être pourrions-nous en parler plus calmement demain matin dans mon bureau ? À la première heure ? insista-t-il d’une voix outrée.
Elle s’arrêta net et sans se retourner laissa échapper un petit rire. Elle se retourna finalement.
— Je ne crois pas non. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, je ne me suis jamais sentie plus lucide de ma vie.
Le regard de Franck, ahuri, allait de l’un à l’autre. Décontenancé, Victor Masson joua la dernière carte qui ne lui permettrait pas de perdre la face.
— Puisque vous ne me laissez pas le choix, il va sans dire que vous êtes virée.
— D’accord, répondit-elle en haussant les épaules.
Et sur ces paroles, elle partit définitivement sans se retourner, laissant les deux hommes éberlués. Franck jeta un œil à son patron et eut du mal à réprimer un fou rire, tué dans l’œuf par le regard furieux qu’il lui rendit.
— Quelque-chose à ajouter ? Vous aussi vous êtes tenté d’aller pointer au chômage ?
— Non non, Victor. Je ne sais pas ce qui lui a pris ! Je suis de tout cœur avec vous…
On sentait dans sa voix un certain manque de conviction. Cependant, il ne lui en fut pas tenu rigueur. Virer deux employés modèles le même jour était un luxe que Victor Masson ne pouvait de toute évidence pas se permettre.
— Alors dans ce cas à demain au bureau. Vous allez avoir du pain sur la planche avec votre équipe en attendant que je vous recrute une nouvelle collègue. J’espère que vous ne comptiez pas prendre de vacances dans l’immédiat…



Trois mois plus tard, Nell était accoudée au bastingage d’un autre bateau : le Demeter. Elle repensait aux évènements de ces dernières semaines qui l’avaient conduite à s’engager dans cette mission. Tout s’était enchaîné si vite à partir du moment où elle avait eu le déclic…La facilité avec laquelle les circonstances lui avaient ouvert la voie dès lors qu’elle l’avait décidé la déconcertait encore. Hier elle était employée pour des actions commerciales assommantes, aujourd’hui elle contribuait à la préservation de l’environnement pour une association humanitaire. Et tous les jours, elle en apprenait un peu plus au sein d’une équipe dynamique et investie sur la faune mais surtout la flore marine en luttant par ses actions de prévention pour la préservation de la barrière de corail.
Comme souvent quand elle en avait l’occasion, Nell se perdit dans la contemplation de l’étendue d’eau face à elle. La mer et ses mystères. Elle repensait à son expérience particulière, guettait un signe. Avait-elle vraiment rêvé ce qui lui était arrivé ? Parfois elle doutait. Et pourtant, à bien y réfléchir, tout ça était beaucoup trop réel. Et puis ça ne collait pas. Si son cerveau avait été privé d’oxygène, qui l’avait ramenée sur la terre ferme ? Ses vêtements étaient mouillés. Elle était donc bien allée dans l’eau… Elle repensa à cette présence, cette énergie qui l’avait protégée, ranimée, ramenée à la vie. Cette sensation d’être aimée, naturellement, sans conditions. Retrouverait-elle cela un jour ? Elle aurait aimé pouvoir au moins remercier.
Elle consulta son portable. Pas de message. Franck avait tenté de reprendre contact quelques jours plus tôt. Une ébauche de sourire arqua le coin de sa bouche. Elle avait envie de lui répondre. Elle allait sûrement le faire. Mais que pourrait-elle lui dire ? Avec le recul et l’apaisement, maintenant qu’elle avait trouvé un sens à sa vie, elle se sentait plus sereine et voyait les choses sous un angle nouveau. Elle se rendait compte qu’elle n’avait pas été si facile à vivre, constamment à fleur de peau. Trop centrée sur elle-même, elle n’avait pas été attentive à ses besoins à lui. Cela lui faisait mal de l’admettre mais il n’avait peut-être pas tous les torts. Est-ce que quelque-chose était encore possible entre eux ? Elle n’en savait rien ; mais elle ne voulait pas rester fâchée contre lui.
Elle commença à rédiger un texto, qu’elle effaça, recommença, sans trop savoir comment s’y prendre. Soudain, une voix dans son dos la fit sursauter au point qu’elle lâcha presque son téléphone par-dessus bord.
— Ça te va bien cette tenue.
Elle se retourna vivement en direction de son interlocuteur.
— Mais… Franck ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Elle le détailla des pieds à la tête tout en rangeant son téléphone dans la poche arrière de son pantalon. Il portait le même blouson qu’elle avec le logo de l’association. Et en fait, la même tenue de travail…
— On t’a prêté des fringues ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ? demanda-t-elle, incrédule.
— Comment ça « prêté » ? Tu trouves que ça n’est pas à ma taille ? Moi qui croyais que cet uniforme me mettait en valeur…, dit-il en tirant sur son col à la manière d’un James Dean. Et comme elle ne semblait toujours pas vouloir comprendre il enchaîna : « C’est comme ça que tu souhaites la bienvenue à ton nouveau collègue ? Il fait un peu frais aujourd’hui, non ? J’avais espéré pouvoir me mettre en maillot de bain en arrivant et piquer une tête mais je suis déçu. Remarque, il est encore tôt. C’est sûrement pour ça. Sinon toi, ça va ?»
Nell l’avait écouté débiter son speech la bouche ouverte tandis que la réalité de cette situation était en train de s’imposer à son cerveau. Elle réussit enfin à émettre le premier son qui entrait en résonance avec son état d’esprit du moment :
— Quoi ?!
Elle hésitait entre rire et pleurer. Il l’avait bien eue, dire qu’elle était sur le point de lui écrire à peine quelques secondes auparavant…
— Déjà, le point positif, c’est que tu ne m’as pas envoyé promener. On progresse. Non, sans rire, ajouta-t-il plus sérieusement, j’ai bien compris que tu avais trouvé ton équilibre et que tu ne reviendrais sans doute pas… Alors je me suis dit que c’est toi qui avais raison ! Et que j’allais tenter ma chance, moi aussi. Mais je ne suis pas là non plus pour te mettre mal à l’aise. Si c’est le cas, dis-le-moi, je m’en vais et basta.
Nell commençait à prendre la mesure de la situation. Il était là pour elle, mais aussi pour lui. Il continua son monologue.
— Mais si c’est le cas, avant de partir, j’aimerais bien que tu acceptes de me parler. Non sans rire, arrête de me fuir…
— Je ne sais pas quoi te dire, fit-elle gênée, tout ça est si… Soudain ! C’est surréaliste comme situation.
Et elle se mit à pouffer. Il était là, à lui sourire et elle riait.
— En tout cas, tu ne m’as pas encore jeté, c’est plutôt bon signe, observa-t-il avec douceur.
— Et…Victor ?
— Oh, lui… Je l’ai largué ! Ça ne collait plus entre nous. Et puis il était beaucoup moins sexy que toi, ajouta-t-il près de son oreille avant de reprendre gaiement. Je lui ai remis ma lettre que j’ai déposé gentiment sur son bureau. C’était un peu moins théâtral que toi, j’avoue. C’est cool ici, si ça se trouve il va nous rejoindre. Regarde là-bas, il arrive ! Non je plaisante, respire…
C’était bon qu’il soit là. Elle s’en rendait tout à fait compte à présent. Comment avait-elle pu passer à côté de lui ? Elle ne le connaissait pas en fait. Et à présent, elle se sentait plus proche de lui que jamais. Mais comment était-ce possible ? Peut-être vivait-il la même chose qu’elle, tout simplement. Le déclic. Le souffle de vie. Le rappel que rien n’est éternel et que s’il faut vivre, c’est maintenant. Et elle sentait son cœur se gonfler de bonheur, de fierté, pour elle mais aussi pour lui. Je suis à ma place et lui aussi. Et sa place est avec moi…
— Bon c’est pas tout ça, on rigole mais j’ai le décalage horaire dans les pattes, il n’y aurait pas un bon café dans le coin par hasard ?
— Bien serré, sans sucre et sans lait ? fit-elle, mutine. Oui suis-moi, je vais te présenter la machine.
— Et toi, c’est toujours, pas trop corsé, avec un peu de sucre et « si possible » un nuage de lait ? lui répondit-il en imitant sa voix.
Elle lui assena une tape pour la forme avec un sourire en coin.
— Mes goûts n’ont pas changé en la matière non. Viens, on va en profiter pour faire une petite visite guidée.
Elle hésita et prit finalement son bras pour l’emmener à l’intérieur. Il était bien réel, tangible, elle n’était pas en train de rêver. Tout contre lui, elle reconnut le parfum de son après-rasage. Il lui sourit, manifestement ravi. Elle lui rendit son sourire.
— Franck ?
— Oui ?
— Non, rien.
Je t’aime…



illustration : Alexandra Rogeaux


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Driller_Killer
2023-10-11 14:51:59

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